Les humoristes en voyage

Du projet amateur à la concécration: le duo comique dvivertimento a un parcours étonnant. Dans l'entretien, Manu Burkart et Jonny Fischer nous montrent qu'en dépit de leur succès, ils ont su garder les pieds sur terre, sont plus profonds que ce qe beaucoup voudraient nous faire croire – et comme avant, ne sont jamais à court d'impertinences.

Manu et Jonny, on vous sait optimistes et toujoursde bonne humeur. Avez-vous beaucoup perdu le sourire ces dernières semaines?

MB: Oui et pas qu’un peu. Et nous ne sommes pas toujours de bonne humeur, loin s’en faut. Jusqu’à présent, aucun de nous deux n’était vraiment d’humeur à être sous les feux des projecteurs, par exemple dans les médias sociaux. J’ai été très occupé avec toute cette histoire de coronavirus. Je me suis réjoui à l’annonce de l’assouplissement tout en doutant qu’il puisse être durable.

Votre grande tournée a été pratiquement reportée d’un jour à l’autre.
JF: Nous avons été parmi les premiers à être touchés, avant même le grand confinement. Comme nous nous produisons dans des salles de plus de 1000 personnes, nous avons été frappés de plein fouet par cette mesure.

Vous êtes victimes de votre succès, pour ainsi dire.

JF: Mais ce n’est peut-être pas si mal. En temps normal, on parle beaucoup de nous, vu notre succès. Pour une fois, nous n’étions plus sous les feux de l’actualité tandis que des spectacles moins célèbres continuaient de se produire. Nous ne savons d’ailleurs toujours pas si nous pourrons remonter sur scène cette année. Nous l’espérons.
MB:
J’ai été patient longtemps et étais prêt à accepter la situation qui évoluait sans arrêt. Mais maintenant, je perds patience petit à petit. On a plutôt l’impression qu’on ne pourra pas rejouer avant l’année prochaine. C’est dommage pour nous, mais aussi pour tous les gens qui veulent nous voir.

Comment vous êtes-vous occupés pendant cette période?

JF:
Cela n’a pas été facile, mais nous avions tous deux beaucoup à faire. Surtout Manu qui, papa de trois enfants, avait un programme à temps complet.
MB:
J’aime ma famille plus que tout, mais je suis aussi un homme épris de liberté, qui a besoin d’espace pour être créatif. Avec trois jeunes enfants, en temps normal, cela peut déjà être un défi au quotidien. Et pour moi, il était évident que je devais épauler pleinement ma femme. Mais je dois avouer que certains jours, elle a eu un quatrième enfant à la maison avec moi et mes sautes d’humeur.

Mobile Entertainer Das Duo Divertimento in Jonnys Volvo XC90 B6 AWD Inscription. © Ruben Sprich

Divertimento a plus que jamais la cote. Comment décidez-vous des partenariats ou des campagnes auxquels participer ou non?
JF: Si nous ne parvenons pas à adhérer tous les deux pleinement à un projet, il n’est pas question de lui donner suite. Nous n’entreprendrons jamais rien juste pour l’argent! Manu et moi adhérons totalement au style et à la philosophie de Volvo. J’achèterais aussi cette voiture à titre privé. Je ne peux pas en dire autant de beaucoup d’autres marques. La Volvo est une voiture géniale et innovante à laquelle nous pouvons nous identifier à 100%.
MB: Nous aimons les formats et les missions qui nous permettent de voyager. Que ce soit en Suisse, en Écosse ou en Afrique du Sud. Nous n’avons pas à faire semblant ou à prouver quoi que ce soit. Nous n’avons pas besoin non plus d’être drôles tout le temps. Ça nous plaît beaucoup

Vous voyagez beaucoup. Quel rôle joue la conduite automobile pour vous?

MB: Je voyage tellement pour mon travail que je me dispute souvent avec ma femme en privé pour savoir qui doit conduire et qui ne doit pas. J’adore m’asseoir à la place du passager avant et regarder les gens dans les autres voitures. J’ai déjà vu beaucoup de choses amusantes.

Vous sentez-vous parfois coupables d’être souvent sur la route?

MB:
Oui, ça m’arrive. Nous vivons à la lisière de la forêt sans liaison avec des transports publics, nous utilisons constamment la voiture. Je pense parfois que ce n’est pas bien. Tant mieux donc, si je peux couvrir ces courtes distances en mode électrique avec mon modèle hybride. Cela me déculpabilise un peu. Pour Jonny, c’est un peu différent. (rires)
JF:
Je l’avoue: je suis un passionné de voitures, je veux dire surtout les voitures dont les moteurs font vraiment beaucoup de bruit. Je trouve que c’est génial. J’ai conduit des V8 et des V10 et j’adore quand ça rugit vraiment. Cela dit, je soutiens pleinement l’idée de la mobilité électrique – et heureusement, on peut activer certains bruits de moteur dans une voiture électrique.

À l’heure actuelle, tout le monde se revendique en faveur de la durabilité. Quel rôle joue-t-elle à vos yeux?

MB:
Un grand rôle. Je suis pointilleux en ce qui concerne le tri des déchets. J’entends souvent dire que tout cela ne sert pas à grand-chose parce qu’au final, tout est à nouveau mélangé. Ça m’est égal. Je pense que c’est la bonne démarche et j’inculque ce principe à mes enfants. Mais j’ai aussi appris qu’il fallait faire attention à la façon dont on se positionnait. Par exemple, je me suis montré dans les médias sociaux revêtu d’un pull arborant le logo du WWF. Des commentaires ont aussitôt fusé, du style: «Ça s’affiche en faveur de la protection de l’environnement et en même temps, ça part en jet en Afrique du Sud pour la télévision, super.»
JF:
Je crois que la durabilité, tout comme la crise du coronavirus, a beaucoup à voir avec la responsabilité personnelle. Nous pourrons relever ce défi si tout le monde s’y met. Je ne peux et ne veux pas renoncer à mes voyages. Mais je veille à apporter ma contribution quand même, par exemple en achetant des produits régionaux et de saison. On peut se comporter partout de façon écologique et se passer de certaines choses.

Ces réactions sont-elles le revers de votre succès?

MB:
D’une certaine façon. Il faut dire qu’en tant que duo Divertimento, nous avons longtemps été «blancs comme neige», perçus à juste titre plutôt comme des personnes «bien sous tous rapports». Au cours des deux ou trois dernières années, nous avons pris la liberté de choquer parfois.

«Nous dégageons quelque chose de positif qui fait du bien aux gens»

Divertimento

Vous aurait-on sous-estimé pendant tout ce temps? Peu à peu, beaucoup semblent se rendre compte de ce qu’est devenue la machine Divertimento.
JF:
J’aime bien le fait que l’an dernier, on m’ait demandé si nous pouvions vivre de Divertimento ou si nous devions encore travailler comme enseignants (rires). On sait bien comment les gens voient les choses: assis dans une salle avec 3000 personnes, on calcule combien ça peut rapporter par an. Ça fait beaucoup. Malheureusement, le calcul ne fonctionne pas comme ça.

Donc vous ne gagnez pas des millions?
JF:
La compagnie en tournée, si. Mais nous dépensons aussi des millions. Pour la location des salles, le personnel, les coûts de production en général . . .
MB:
. . . sans parler de toutes les voitures de sport coûteuses qui se trouvent dans le garage de Jonny et qu’il faut bien financer. (Les deux rient.)
JF:
Plus sérieusement: les dix premières années, nous n’avons presque rien gagné, j’ai même dû vendre ma voiture pour que nous puissions vivre notre rêve. Cela fait maintenant dix ans que tout va bien, et c’est super qu’on nous voie toujours comme des gens qui n’ont pas pris la grosse tête. Quelques personnes nous ont demandé de les aider financièrement depuis le début de la crise du coronavirus.

Vraiment? Comment avez-vous géré cela?

JF:
Cela a été très désagréable. Notamment parce que cela vous fait réaliser que vous dégagez manifestement quelque chose qui incite les gens à vous adresser ce type de demande.
MB:
Je connais également de telles demandes, par exemple de la part de start-up. Souvent, je voudrais les aider et je trouve que ces sociétés ont de bonnes idées. Mais le seul fait de s’engager dans cette voie déclenche une dynamique incontrôlable: où dire oui, où dire non? Vous rendez votre démarche publique? Quel effet cela a-t-il sur les autres? Notre grand nombre de followers dans les médias sociaux est à la fois une malédiction et une bénédiction à cet égard. Parce qu’une chose qui convient à une personne peut en repousser une autre complètement.

Deux fois plus matures

«À 40 ans, on ne peut pas faire les mêmes blagues qu’à 20.»
© Ruben Sprich

Comment expliquez-vous votre popularité?

MB:
Nous avons un enthousiasme enfantin que nous avons réussi à préserver jusqu’à ce jour. Ce n’est pas comme au début, après tout nous avons tous les deux plus de 40 ans. Mais nous dégageons quelque chose de positif qui fait du bien aux gens.
JF:
Nous sommes très différents, cela joue également un rôle important. Nous sommes comme deux pôles qui s’attirent et se repoussent. De plus, nous pouvons faire beaucoup de choses. Nous ne les faisons pas parfaitement mais nous savons les faire un peu. Nous savons chanter, jouer, danser . . .
MB:
As-tu vraiment dit danser? (Les deux rient.)

Comment votre relation a-t-elle évolué? Êtes-vous le même couple que toujours?
Les deux: Non, pas du tout!
JF:
Nous avons des hauts et des bas comme dans tout partenariat. Nous avons déjà voulu nous séparer à plusieurs reprises et nous ne trouvions plus aucune raison de nous parler. Au début, nous débordions d’un enthousiasme aveugle l’un pour l’autre; on peut le constater encore aujourd’hui en regardant de vieux enregistrements. Je ris sur pratiquement toutes les vidéos des six premières années, tellement je suis fan de Manu. Ensuite, nous avons connu des années difficiles avec plus de pression…
MB: On oublie souvent qu’au début notre activité n’était qu’un passe-temps et que nous n’avions jamais imaginé pouvoir en vivre. Cela a été un beau parcours, mais pas sans difficultés. Mais c’est une évolution normale que nous avons finalement assez bien gérée.
JF: Je pense que nous nous sommes adoucis avec l’âge. Nous acceptons le fait que nos avis divergent et nous pouvons tous deux y faire face.

Cette indulgence liée à l’âge sera-t-elle perceptible dans les nouveaux numéros?

JF:
Absolument. À 40 ans, on ne peut pas faire les mêmes blagues qu’à 20. Nous avons toujours intégré notre développement personnel à notre programme. Nos débuts, l’époque de la formation d’enseignant, Manu devenu père…
MB:
. . .ton homosexualité . . .
JF:
Oh mince, oui j’avais oublié. Nous devons réécrire le programme. (Les deux rient.)

A-t-on le droit de plaisanter sur des sujets tels que le coronavirus ou la durabilité?
JF:
On peut, mais nous ne le faisons que dans une certaine mesure. Habituellement, nous laissons de côté les sujets difficiles et privilégions les thèmes légers. Nous aimons plaisanter en privé sur toutes sortes de choses, y compris les sujets sensibles; nous aimons l’humour noir, et à l’occasion les blagues légèrement en dessous de la ceinture. Mais sur scène, Divertimento doit rester une expérience positive et conviviale pour toute la famille.
MB: C’est ce que nos fans attendent de nous – et cela nous convient encore parfaitement même après toutes ces années.